Le chef de la junte en Guinée, le colonel Mamady Doumbouya, a prêté serment vendredi comme président de ce pays d’Afrique de l’Ouest pour une période de transition à la durée et au contenu toujours inconnus.
Le commandant des forces spéciales qui ont renversé le président Alpha Condé le 5 septembre, en uniforme d’apparat beige, portant béret rouge et lunettes noires, a prêté serment devant la Cour suprême, peu après 12H30 (locales et GMT), lors d’une cérémonie au palais Mohammed-V de Conakry.
Il a juré « de préserver en toute loyauté la souveraineté nationale », de « consolider les acquis démocratiques, de garantir l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national ». La cérémonie se tenait à la veille de la fête nationale célébrant la déclaration d’indépendance de 195. Ce vendredi a été déclaré férié.
Le colonel Doumbouya a conduit le troisième putsch en un an en Afrique de l’Ouest, après deux coups de force au Mali voisin. Lui et ses hommes l’ont mené à bien en quelques heures au prix d’un nombre indéterminé de vies humaines, les médias faisant état d’une dizaine ou une vingtaine de morts. Alpha Condé, 83 ans, est toujours détenu au secret.
Ce coup d’Etat s’inscrit dans l’histoire tourmentée de ce pays éprouvé, pauvre malgré de considérables richesses naturelles, dirigé pendant des décennies depuis l’indépendance par des régimes autoritaires ou dictatoriaux.
Il a été largement condamné par la communauté internationale mais salué par des scènes de liesse parmi une population exaspérée par la pauvreté, la corruption et la répression des dernières années.
Les militaires disent être passés à l’action pour mettre fin à ces maux et rassembler des Guinéens divisés.
« Charte de transition »
La junte a dit avoir l’intention de rendre le pouvoir aux civils après des élections « libres » et démocratiques » à la fin d’une période de transition. Elle entend élaborer une nouvelle Constitution et la soumettre à référendum. Elle compte mener des réformes politiques et économiques « majeures« , et restaurer la bonne gouvernance. Mais elle n’a jamais précisé combien de temps durerait cette transition, ni précisé ses plans.
Cette durée sera fixée d’un « commun accord » entre la junte et les forces vives du pays, se contente d’indiquer la « charte » de la transition, sorte d’acte fondamental publié lundi.
Le colonel Doumbouya, colosse aux manières posées, toujours protégé de près par ses hommes et jamais vu en public dans une tenue autre que son treillis et son béret, souvent assortis de lunettes noires et d’un cache-col, semble résolu à se laisser du temps, malgré les pressions internationales, pour accomplir son vaste projet de « refonder » l’Etat, conviennent les analystes.
La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), inquiète d’instabilité et d’un effet de contagion dans une région où un certain nombre d’Etats sont malmenés, a réclamé des élections présidentielle et législatives sous six mois. Elle a décidé de geler les avoirs financiers des membres de la junte et de leur famille et de les interdire de voyage.
Les pays de l’Union européenne, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni ne devraient pas envoyer leur ambassadeur à l’investiture. Un certain nombre de pays devraient dépêcher des diplomates de rang moindre.
Depuis son avènement, celui que les communiqués officiels appelaient déjà président de la République avant même son investiture, a multiplié les propos rassurants à l’adresse des investisseurs et des partenaires étrangers de ce pays doté d’importantes ressources minérales et hydrologiques et de gisements considérables de bauxite, minerai entrant dans la fabrication de l’aluminium.
Il a garanti le respect des contrats miniers et fait rouvrir toutes les frontières aériennes et terrestres. Il a aussi aligné les actes symboliques en direction des Guinéens, faisant libérer par exemple des dizaines de personnes emprisonnées pour avoir pris part à la contestation anti-Condé.
La « charte » de la transition confirme le colonel Doumbouya comme le nouvel homme fort de la Guinée, « chef de l’Etat et chef suprême des armées », qui « détermine la politique de la Nation » et qui « peut prendre des ordonnances ». Le président nomme par décret le Premier ministre de transition et peut le révoquer.
La charte dispose que le président ne puisse être candidat aux élections organisées à la fin de la transition.
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